Pénurie de chauffeurs : Pour une meilleure protection des travailleurs étrangers temporaires

Le gouvernement du Canada a annoncé il y a quelques jours avoir l’intention de mettre en place un nouveau règlement pour mieux protéger les travailleurs étrangers temporaires.

Plusieurs d’entre nous avons encore en tête les images relayées par les médias en début de saison estivale, montrant des travailleurs agricoles immigrants dans des conditions de logement dont la promiscuité et la salubrité semblaient plus que douteuses.

L’industrie du camionnage fait elle aussi appel à des travailleurs étrangers temporaires et n’est pas non plus sans tache, comme on peut le constater à la lecture du reportage d’enquête de la journaliste Kathy Tomlinson, paru en octobre 2019 dans le Globe and Mail sous le titre éloquent « How an immigration scheme steers newcomers into Canadian trucking jobs – and puts lives at risk ».

Des chauffeurs de camions immigrants embauchés sans expérience ni formation et tout de même envoyés sur la route, d’autres qui doivent payer des sommes se comptant en milliers de dollars simplement pour pouvoir être embauchés à titre de chauffeurs.  « C’est un cauchemar d’être un travailleur étranger temporaire au Canada », déclarait l’un d’eux à la journaliste.

Bien sûr, seule une minorité de transporteurs se livrent à de tels écarts mais cela ne les justifie pas pour autant. « Leur travail acharné et leur expertise ont joué un rôle déterminant au fil des ans et surtout pendant la pandémie, et ils méritent d’être en sécurité », déclare Emploi et Développement social Canada (EDSC) par voie de communiqué.

L’immigration, dans des conditions justes et respectueuse des travailleurs, peut être l’une des solutions à la grave pénurie de chauffeurs. (Photo : Volvo Trucks)

Le règlement plus musclé envisagé par le fédéral vise justement à prévenir les mauvais traitements ou les abus à l’endroit des travailleurs étrangers temporaires pendant leur séjour au pays.

Les ministres Carla Qualtrough (Emploi, Développement de la main-d’œuvre et Inclusion des personnes handicapées) et Marco Mendicino (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté) ont présenté 14 modifications au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (travailleurs étrangers temporaires) ayant trois objectifs clés :

  1. Améliorer les protections pour les travailleurs étrangers temporaires en obligeant les employeurs à leur fournir des renseignements sur leurs droits au Canada; en interdisant les représailles des employeurs à l’endroit des travailleurs qui portent plainte; et en mettant en place des exigences réglementaires clés pour que tous les employeurs offrent un accès raisonnable aux services de soins de santé, de même qu’une assurance maladie au besoin. Les modifications proposées interdiraient également d’imposer des frais de recrutement aux travailleurs et rendraient les employeurs responsables des actions des recruteurs à cet égard.
  2. Améliorer la capacité du gouvernement d’empêcher les mauvais acteurs de participer au programme en accordant des pouvoirs qui renforceront l’évaluation des demandes des nouveaux employeurs et retarderont le traitement d’une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) en cas de non-conformité possible.
  3. Renforcer la capacité du gouvernement de mener efficacement des inspections, notamment par la réduction des délais prescrits et la participation de tiers (p. ex. banques et sociétés de paie) à la fourniture de documents à l’appui des inspections.

Il est aussi à noter que des améliorations ont été apportées à la ligne de signalement des travailleurs étrangers temporaires, avec l’ajout d’agents capables d’offrir directement des services en français, en anglais, en espagnol et en plus de 200 autres langues.

Depuis le lancement de la ligne de signalement améliorée en mars, plus de 400 appelants ont obtenu de l’aide pour signaler des cas de mauvais traitements, ont été dirigés vers d’autres services appropriés ou ont obtenu des réponses à des questions générales sur leurs droits au Canada.

Le projet de règlement a été publié le 10 juillet 2021 dans la partie I de la Gazette du Canada. Les Canadiens, les employeurs et les intervenants ont été invités à fournir leurs commentaires dans un délai de 30 jours.

L’industrie salue l’initiative

À l’occasion d’un échange avec Transport Routier, la présidente-directrice générale de Ressources humaines camionnage Canada, Angela Splinter, a déclaré que RHCC « soutient leur approche [des autorités fédérales] selon laquelle tout travailleur a droit à un environnement de travail équitable et respectueux. Nous appuyons toutes les initiatives à cet égard. »

Selon Mme Splinter, le programme des travailleurs étrangers temporaires est très important pour l’industrie du camionnage. « C’est l’un des outils de notre boîte à outils pour faire face à la pénurie chronique et croissante de chauffeurs au sein de notre industrie », dit-elle, ajoutant que RHCC a fermement l’intention de participer à l’exercice de consultation mené par Ottawa.

Selon l’économiste de RHCC Barbara Kirby, l’industrie du camionnage et de la logistique emploiera 3 519 résidents non permanents entre 2020 et 2023, 1 451 d’entre eux à titre de chauffeurs de camions.

Du côté de l’Alliance canadienne du camionnage (ACC), le porte-parole Marco Beghetto rappelle que, déjà en mai dernier, l’organisation qui regroupe les associations de camionnage provinciales avait applaudi la perspective d’une amélioration au programme des travailleurs étrangers temporaires.

L’ACC avait alors fait valoir que cela ne pourrait être que bénéfique aux flottes qui ont un important besoin de chauffeurs, alors que la pandémie de COVID-19 a exacerbé la pénurie de ces travailleurs.

Citant des données du Conference Board du Canada, l’ACC a rappelé que 80% de la croissance démographique au pays d’ici 2030 proviendra de l’immigration et que plus de 100% de la croissance du bassin de main-d’œuvre au cours des cinq prochaines années viendra également de l’étranger.

« Nous allons travailler avec le gouvernement du Canada de manière à ce que ce changement de politique devienne permanent dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires, rendant ce programme beaucoup plus attrayant pour l’industrie à titre d’instrument pour contrer la pénurie de chauffeurs au Canada », a déclaré le président de l’ACC, Stephen Laskowski.

M. Laskowski a ajouté a dit vouloir s’assurer que les nouveaux arrivants à la recherche d’un emploi soient à l’abri des profiteurs et qu’ils bénéficient des mêmes droits et privilèges que les autres citoyens « afin qu’eux-mêmes et leurs familles puissent s’épanouir au sein de notre économie et de notre société. »

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