Pourquoi amener un animal de compagnie dans son camion?

De plus en plus de camionneurs se font accompagner d’un animal de compagnie sur la route. La présence d’un compagnon dans la cabine apporte de nombreux avantages lors des longues heures de travail solitaire loin de la maison. 

Chantal Charlebois est camionneuse pour Jovan Transport à Saint-Eustache. Elle est accompagnée de son chat Ti-pou lors de ses voyages. Présent avec elle depuis plusieurs années, il est le parfait compagnon de voyage.

De nature anxieuse, son stress a augmenté à la suite d’un événement traumatisant à une halte routière aux États-Unis. «J’ai développé beaucoup d’anxiété aux haltes routières, je ne sors plus le soir, bref c’est devenu un cercle vicieux pour moi après huit ans», indique-t-elle.

Emmener Ti-Pou lui a apporté beaucoup d’assurance et de sécurité. «Avoir un animal à bord d’un véhicule, ça calme énormément l’anxiété, car on sait qu’un chien ou un chat ressentent beaucoup les émotions de leur maitre.»

Les bienfaits d’un compagnon sur pattes

Il est reconnu que les animaux peuvent avoir un effet thérapeutique. Il existe d’ailleurs une forme de thérapie qui se concentre sur la relation entre le patient et un animal de compagnie : la zoothérapie. Un de ses bienfaits est notamment de réduire les sentiments de solitude et d’anxiété.

La zoothérapie vise surtout la population aînée, qui est la plus touchée par ces sentiments. Cependant, plusieurs camionneurs peuvent eux aussi faire face à des moments de solitude et d’anxiété pendant leurs voyages. La présence d’un animal peut arranger les choses.

«C’est très positif d’avoir un animal dans son camion», affirme Kareen Lapointe, directrice générale de SPPT Camionneurs, un organisme qui aide les camionneurs ayant des troubles de santé mentale. Elle comprend très bien les bienfaits qu’un animal peut apporter, car elle a souvent voyagé en camion avec son chien, devenu un excellent compagnon sur la route.

Elle a se rappelle, entre autres cas, celui d’une camionneuse qui avait de la difficulté à reprendre normalement le travail. «Quand elle a eu son petit chien, ça a fait toute une différence. Ses employeurs ont même offert un petit lit de chien pour le camion.»

L’animal amené à bord du camion peut en effet servir de partenaire de route et comble ainsi la solitude du chauffeur. «Ça fait de la compagnie à bord du véhicule, souligne Chantal Charlebois. Le soir si on est seul, on a quelqu’un avec qui discuter. Il ne nous répond pas vraiment, mais on a quelqu’un à bord. Ça m’apporte du réconfort, ça baisse l’anxiété, ça nous fait penser à d’autres choses le soir.»

Cependant, la présence d’un animal peut avoir ses inconvénients. Si le compagnon s’agite sur la route et se faufile dans des endroits contraignants de la cabine, il peut devenir, à la manière du cellulaire, une distraction et devenir ainsi un risque d’accident. Mais la plupart arrivent à contrôler l’animal.

Kareen Lapointe souligne aussi les postes frontaliers qui oblige d’avoir un carnet de vaccination pour l’animal.  «S’il y a un oubli, il est fort possible que le chauffeur se fasse refuser le passage, et cela affecte le transport.»

Les politiques d’entreprise

Les camionneurs qui souhaitent amener leur animal de compagnie doivent d’abord s’entendre avec leur employeur. «Quand c’est bien demandé à l’employeur, on n’a pas vraiment de contraintes», indique Kareen Lapointe. «Cependant, si certaines des entreprises de transport permettent à leurs chauffeurs d’amener leur animal sur la route, d’autres refusent catégoriquement.»

Transport Gilmyr a une politique spéciale et fait signer un engagement aux camionneurs. Si l’entente touche surtout aux dommages et au nettoyage du camion, une des règles stipule que le camionneur doit avoir un camion qui lui est attitré. Cette règle vise surtout à prévenir les risques d’allergies. «Si un camionneur partage un camion, il est possible que d’autres chauffeurs soient allergiques aux animaux et on ne veut pas que cela pose des problèmes», explique Chantale Morin, adjointe au PDG et responsable des ressources humaines chez Transport Gilmyr.

Express Mondor permet lui aussi à ses chauffeurs d’amener leurs compagnons à quatre pattes. Comme le mentionne le vice-président des ressources humaines Simon Riopel, pour certains, c’est un impératif pour effectuer du transport longue distance. «On a une politique en bonne et due forme. Le plus gros avantage que l’on voit, c’est avec les camionneurs longue distance. Il y en a pour qui ce n’est pas envisageable de voyager sans leur animal de compagnie, en raison de la solitude ou, dans un cas, parce que l’animal ne pourrait pas rester à la maison plusieurs jours sans que personne s’en occupe.»

Transport Matte, quant à elle, interdit qu’un animal soit amené dans les camions. La vice-présidente de la compagnie, Mélany Matte, nous a présenté les deux raisons. Premièrement, plusieurs de ses clients interdisent les animaux sur leurs terrains; il serait donc impossible pour un chauffeur de faire son travail avec un animal dans le camion sans enfreindre les règles des clients. «Tous nos gros clients ont des politiques très strictes d’interdictionde passagers et d’animaux. Il suffit qu’un chien sorte du camion par inadvertance et se mette à courir dans la cour. C’est une question de santé-sécurité. Même si Transport Matte voulait l’approuver, nos clients l’interdisent.»

Deuxièmement, l’entreprise juge qu’un animal de compagnie représente une source de distraction sur la route. «Dans la cabine, il y a un enjeu de propreté. Et puis c’est une distraction. J’ai eu une discussion avec notre assureur qui était heureux qu’on l’interdise, parce qu’il voyait la présence d’un animal à bord comme une distraction et un risque d’accident.»

Avantage à l’embauche

La possibilité d’amener ou non un animal à bord d’un camion peut influencer les choix des chauffeurs quant à leur employeur.

C’est le cas de Chantal Charlebois et de Ti-Pou. «Ça fait deux ans que j’ai mon chat 24 heures sur 24. La première compagnie où j’ai travaillé était plus au moins en accord, la deuxième l’était et Transport Jovan aussi.» Elle raconte qu’elle n’a pas hésité à tourner le dos à des entreprises qui ne lui permettaient pas d’avoir son chat avec elle.

Express Mondor sait que cette autorisation peut être alléchante pour les camionneurs. «C’est sûr que ça nous ouvre la porte à plus de candidats», exprime Simon Riopel.

Mélany Matte sait qu’il est possible que la politique stricte de l’entreprise puisse en rebuter certains. «Comme ça se sait, il y a peut-être des gens qui ne postulent pas chez nous, mais je ne peux pas le voir.» Mme Matte se souvient par contre de la démission d’une employée qui avait récemment adopté un chien et qui souhaitait l’amener avec elle.

Qu’en pensent les assureurs?

Il n’existe pas de loi qui interdit aux camionneurs d’amener leur animal de compagnie dans leur camion et à ne pas les restreindre. Cependant, les assureurs déconseillent fortement de laisser un animal en liberté dans la cabine du camion. «C’est vraiment une question de bonne pratique et une recommandation de comportements de sécurité exemplaires», indique Raymond Champagne, directeur du service à la prévention chez Burrowes Courtiers d’Assurances.

Pour lui, un animal de compagnie à bord d’un camion représente un gros risque de distraction pour le chauffeur, surtout lorsqu’il n’est pas attaché. «Ce n’est pas recommandé de notre part, ajoute-t-il. Il y a des risques de sécurité. Si l’animal n’est pas en cage, il risque de se promener dans la cabine et ça amène beaucoup de distraction pour le chauffeur.»

Outre les risques de distraction sur la route, les assureurs sont aussi inquiets par rapport aux complications aux postes frontaliers qui exigent un document de vaccination de l’animal. Ceux qui l’oublient ne pourront probablement pas franchir la frontière et compléter leur route.

Il y a aussi certaines entreprises qui refusent les animaux sur leur terrain, comme l’a mentionné Mélany Matte. Dans d’autres cas, il est possible l’animal ne possède pas d’assurances lorsqu’il est amené sur la route; s’il lui arrivait quelque chose, il ne serait pas protégé et le camionneur serait seul face à cette tragique situation.

Chat ou chien?

Avoir un animal de compagnie peut certes apporter beaucoup de soutien, mais lequel est le mieux adapté pour le transport? Les deux cas les plus probables sont les chiens et les chats, mais quoi choisir entre les deux?

Les chiens arrivent mieux à s’adapter sur la route. De plus, ils amènent un aspect sécuritaire supplémentaire, car ils peuvent facilement servir de gardien pour le camion. Cependant, les chiens ont des besoins qui obligent les chauffeurs à s’arrêter plus souvent pendant leurs routes.

Les chats, quant à eux, sont des gardiens moins efficaces, mais ils sont plus calmes et ont moins de besoins qui requièrent un arrêt du véhicule. Même s’il y a le risque qu’ils puissent se faufiler plus facilement dans des endroits dangereux de la cabine.

Kareen Lapointe ne voit pas de préférences. «Je pense que c’est 50/50. On est moins au courant pour les chats, mais on en voit souvent sur les tableaux de bord. Je pense que c’est égal.»

Selon elle, tout dépend des goûts du camionneur. Mais l’important, c’est que l’animal soit aimé. «Ce sont des gens qui ont vraiment un amour des animaux. Ça comble un petit vide émotionnel.»

Cet article a été mis à jour pour inclure les propos de Raymond Champagne.