Quelques pièges à éviter avant d’acheter son premier camion

Vouloir son camion pour réaliser un rêve professionnel, c’est bien. Avoir de l’argent pour le concrétiser, c’est mieux. Pour obtenir le financement nécessaire, les avenues possibles ne sont cependant pas illimitées. Une règle doit conséquemment prévaloir : il faut faire preuve de réalisme en ce qui a trait à ses ambitions.

Prenons l’exemple typique du routier qui décide, après plusieurs années à travailler comme salarié pour un transporteur, que son avenir passe par une plus grande indépendance et décide de s’acheter un premier camion. Il se considère compétent, mature, sérieux, autonome, professionnel et entreprenant, et pense être le candidat idéal pour prendre son avenir en main.

Mais voilà, il a peut-être des actifs. Ou peut-être pas. A-t-il de l’argent pour payer un acompte sur un camion neuf ou usagé? Il a son expertise professionnelle, ce qui est déjà beaucoup, mais peut-il compter sur un membre de son entourage pour l’aider financièrement au besoin? Peut-il mettre sa maison en garantie?

Des questions auxquelles il faut répondre avant de se rendre chez un concessionnaire de camions.

Photo : Istock
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Apprendre à la dure

S’il a des biens à mettre en garantie, qu’il a un bon crédit, de l’argent pour un acompte et une entente écrite avec au moins un transporteur, l’entrepreneur en herbe qui est prêt à s’engager à long terme sera considéré plus positivement par les institutions financières. Si, comme le disait Alexandre Tremblay au micro du podcast Jeune boss de truck, le futur broker a seulement un montant d’argent limité à mettre dans la balance pour s’acheter un camion, il ne faut surtout pas faire l’erreur de se procurer rapidement le premier camion usagé disponible.

«J’avais 14 000$ dans mes poches. Mon patron d’alors chez Domi Express, Stéphane Lehoux, était prêt à m’appuyer dans ma démarche. Je me suis donc acheté un camion usagé avec cet argent-là. À l’époque, cette solution me semblait la seule possible, considérant que je n’ai pas de famille en transport, personne pour m’aider ou me conseiller. »

Après plusieurs problèmes mécaniques récurrents aux États-Unis, des retards dans les livraisons et des dépenses imprévues, Alexandre est revenu du Colorado – là où son différentiel a lâché – avec l’intention de tout abandonner. Découragé, il a dit à Stéphane Lehoux qu’il en avait assez. C’est là que M. Lehoux lui a proposé d’acheter un camion flambant neuf.

Avec des conditions de paiement prévisibles et stables, Alexandre Tremblay a vu sa qualité de vie s’améliorer instantanément.  «Avant de rouler avec un camion neuf, j’ai vécu une année complète avec seulement 7 000$.»

Être fait pour ça

C’est justement le cas de Patrick Laplante qui a eu, lui, cette chance d’avoir un père camionneur qui comprend son travail et ses subtilités. En 2006, après sept années à conduire des camions pour quelques transporteurs différents, il a eu envie d’être à son compte. « J’étais tanné de devoir nettoyer l’intérieur des camions qui m’étaient confiés. Grâce à mes parents, j’ai pu payer l’acompte pour m’acheter un premier camion usagé. »

Avec une expérience de travail en camionnage, un acompte emprunté à ses parents et des contrats poche, le financement d’un camion est soudainement devenu plus accessible.

C’est ce que nous confirme le vice-président aux services financiers chez Globocam, Éric Corriveau, en appuyant cependant sur un aspect précis. «Pour les institutions financières, dont Globocam via notre division financement, la capacité de fournir le montant de départ (acompte) demeure, pour l’entrepreneur en herbe, la pierre angulaire pour une acceptation au crédit. C’est la preuve que le gars est sérieux et qu’il est prêt à s’engager à long terme.»

Il y a aussi l’option du crédit-bail, une formule de financement qui offre quelques avantages dont un au niveau des taxes à payer. Au lieu de devoir payer la TPS et la TVQ en entier avant de les réclamer aux gouvernements fédéral et québécois, l’emprunteur assume mensuellement une fraction du coût total.

Afin de réduire les mensualités de l’acheteur, le concessionnaire peut proposer d’insérer un «ballon» au contrat. Ce ballon, dans le jargon de l’industrie, est une clause qui permet à l’emprunteur de reporter, à la fin de son terme, un pourcentage du montant total financé.

«Si tu achètes, par exemple, un camion dont la valeur est de 100 000$, nous dit M. Corriveau, on te le finance sur cinq ans avec un 20 000$ à payer à la fin du contrat seulement. Le gars a, ensuite, le choix de refinancer ce dernier montant ou de s’acheter un camion neuf, le concessionnaire prenant alors le camion en échange. Sa valeur résiduelle sera de plus ou moins 20 000$. »

Cette formule, intéressante, impose quand même un fardeau financier important au camionneur. Alors quelles sont ses motivations pour vouloir quitter le «nid douillet» de salarié? L’indépendance? L’envie de bâtir une compagnie de transport reconnue, importante, incontournable et enviée? Ressentir un besoin urgent de travailler avec plusieurs transporteurs différents afin de ne pas dépendre d’un seul pour s’assurer de revenus réguliers? Vouloir être libre, le cas échéant, de choisir ses cargaisons en faisant affaire avec des intermédiaires?

Pour Patrick Laplante, ce choix a été tout naturel : «avoir mon propre camion, pouvoir le réparer moi-même et être capable de retirer certains avantages fiscaux périphériques (mettre certaines dépenses sur la compagnie, notamment les ordinateurs, cellulaires, etc.) sont des facteurs importants pour moi.»

Il est évident cependant que les paiements mensuels, les assurances, les coûts fluctuants du diesel et de l’entretien mécanique doivent être mis dans la balance AVANT de faire le saut comme camionneur autonome.

M. Corriveau recommande au futur premier acheteur de privilégier des contacts professionnels nombreux avec des camionneurs expérimentés. En les côtoyant et en leur posant toutes les questions requises, le futur broker pourra mûrir et préparer son projet correctement avant de prendre une décision éclairée.

Rédacteur professionnel depuis plus de 15 ans, Christian possède une expérience considérable à titre de journaliste spécialisé en transport, notamment à titre de directeur de la rédaction de L'Écho du transport, magazine aujourd'hui disparu, et de Transport durable magazine.

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