Survivre en attendant le rappel
Le 12 mars 2020, Truck’N Roll avait 125 camions sur la route. Puis, en 24 heures, tout s’est écroulé.
Truck’N Roll s’est pratiquement créé un créneau unique dans le camionnage : le transport de matériel de scène. Parmi ses clients : Céline Dion, Michael Bublé, le Cirque du Soleil. La pandémie de COVID-19 interdisant la présentation de tout spectacle au Canada et aux États-Unis, le transporteur a perdu 100 % de ses clients d’un seul coup. Il l’a su en écoutant le bulletin de nouvelles.
«J’avais 150 remorques et, le 12 mars, j’ai dû toutes les stationner», de dire Ghislain Arsenault, président de Truck’N Roll, qui se rappelle de cette journée «comme si c’était hier».
«C’était l’incertitude, mais il y avait de l’espoir. Au début, tout le monde se disait qu’on fermerait pendant deux semaines. On ne connaissait pas l’ampleur de ce qui s’en venait», se rappelle M. Arsenault.
Les semaines passent et il faut continuer à payer les camions, mais il n’y a pas de revenus.
«Tu fais des ententes, des reports. La dette s’accumule, mais elle ne disparait jamais et on la traînera longtemps», soupire le président de Truck’N Roll.
Pour ajouter au portrait, le recouvrement des créances est devenu un exercice difficile. Les échéances de paiement s’étirent et la pandémie est évidemment la raison invoquée pour excuser les délais. «Cela devient une bataille de liquidité pour des entreprises comme la mienne», constate Ghislain Arsenault.
En avril, les projections laissaient croire que les spectacles et les concerts recommenceraient en septembre 2020 ou en janvier 2021. Le pire scénario menait à avril 2021. «Maintenant, notre pire scénario, c’est deux ans avant qu’il y ait des shows », de dire M. Arsenault.
Truck’N Roll a perdu 50 % de ses chauffeurs parce que l’entreprise n’avait pas de travail pour eux. «Un bon chauffeur, ça veut travailler. Ils se sont trouvé des emplois chez les entreprises de camionnage déclarées service essentiel.»
Une trentaine de camions de la flotte roulent présentement. Ils tractent tantôt des conteneurs, tantôt des remorques à plateau. «J’ai des bons chauffeurs et du bon équipement, alors je suis capable de donner du bon service», indique le président de Truck’N Roll.
Des gens dans l’industrie veulent l’aider, lui confier une cargaison ici et là quand ça convient. «STCH m’a beaucoup aidé. J’ai de très bons amis qui sont très empathiques de notre réalité, mais chacun a ses problèmes et ses défis.»
Pourquoi ne pas bifurquer vers du transport plus général? Premièrement, parce que ce n’est pas la spécialité de Truck’N Roll. Aussi, Ghislain Arsenault veut être là quand l’industrie du spectacle va redémarrer. «Je ne veux pas lâcher tout ce que j’ai bâti pour lancer une nouvelle compagnie. Moi, mon marché va revenir, je n’en connais simplement pas la date.»
La pandémie de COVID-19 oblige Truck’N Roll à survivre d’un mois à l’autre.
Ce qui garde l’entreprise en vie, ce sont les subventions du gouvernement. Mais ces subventions vont en diminuant. Truck’N Roll occupe un créneau unique dans l’industrie, mais elle se trouve entre deux chaises en matière d’aide gouvernementale.
L’éclosion d’une crise sanitaire, surtout d’une telle ampleur et d’une telle durée, était complètement imprévisible. Jamais personne n’aurait pu prévoir que l’industrie du spectacle et des événements corporatifs se verrait plongée dans un état de paralysie générale du jour au lendemain. Étant donné le créneau unique dans lequel il évoluait, M. Arsenault se disait que son entreprise était à l’abri des récessions, mais rien ne peut mettre à l’abri d’un virus.
«Je n’ai pas une entreprise culturelle, même si je dépends de la culture. La beauté de Truck’N Roll, c’est qu’on est unique. Mais présentement, le calvaire de Truck’N Roll, c’est qu’on est unique», reconnaît Ghislain Arsenault.
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