Un jeune entrepreneur ajoute le vélo dans la chaîne logistique urbaine
Il suffit de s’attarder à des enjeux comme la pénurie de chauffeurs, la congestion routière, les objectifs de réduction des émissions de GES et la lutte contre la pollution sonore pour réaliser que l’industrie du transport routier de marchandises, et plus particulièrement la livraison du dernier kilomètre, doit trouver des façons de s’adapter à la nouvelle réalité. Et au moins une de ces façons n’implique même pas de camions.
Fondée il y a tout juste un an par Cédric Chaperon, l’entreprise en démarrage La roue libre offre un service de livraison de marchandises à vélo. «Depuis le début, je ne me positionne pas pour faire la guerre aux camions», lance-t-il d’entrée de jeu. «Pas du tout en fait. Mais dans le dernier kilomètre, les camions sont souvent surdimensionnés par rapport à ce qu’ils ont à transporter, ou ils deviennent inefficients à cause de la congestion routière. Avec la construction et les sens uniques, j’ai parfois de la difficulté à atteindre un endroit à vélo. J’ose à peine imaginer c’est comment pour les camions!»
La roue libre se positionne donc en tant que partenaire de l’industrie du camionnage, entre autres choses, en offrant des services de livraison complémentaires dans l’épineux segment du dernier kilomètre. «Ce qu’on fait, ça existe en Europe depuis belle lurette déjà», de poursuivre M. Chaperon. «Des grosses compagnies comme DHL le font elles-mêmes dans plusieurs grandes villes, et elles sous-traitent à des compagnies comme la mienne dans des villes plus petites.»
«On travaille avec des PME montréalaises pour de la livraison locale», explique-t-il, ajoutant que son entreprise transporte le café servi dans l’établissement où nous nous sommes rencontrés. «Au début, on approchait les clients potentiels mais aujourd’hui, on n’a presque plus de sollicitation à faire. Ce sont les gens qui viennent vers nous.»
Grâce à ses vélos à assistance électrique et ses remorques équipées de caissons étanches et sécurisés, la petite entreprise peut assurer le transport de marchandises allant jusqu’à 350 livres. L’autonomie des batteries varie selon la charge transportée et la puissance d’assistance nécessaire – qui, elle, dépend de l’apport du pédaleur. Quoi qu’il en soit, il est préférable d’avoir plus de batteries que de vélos à sa disposition. «Les remorques, quant à elles, pourraient éventuellement être électrifiées aussi», précise M. Chaperon.
La roue libre dessert toute la partie centrale de l’île de Montréal, soit un quadrilatère compris entre la rivière des Prairies, le boulevard Viau, le fleuve Saint-Laurent et l’autoroute 15. Elle emploie depuis peu trois personnes à temps plein et offre ses services de livraison 12 mois par année. «L’hiver passé, c’était notre premier hiver et on a appris beaucoup de choses», de dire le principal intéressé, faisant référence au froid et à l’état des routes au Québec. «On a utilisé des jantes de 16 pouces en plastique sur les remorques. Mon ami, qui fait la même chose en Europe, en a cassé une en huit ans. Nous, on en a cassé trois l’hiver dernier.» Les roues actuelles seront donc remplacées par des roues de type BMX, que M. Chaperon qualifie de «quasiment indestructibles». De plus, il a développé un partenariat avec l’entreprise québécoise Communauto afin d’assurer des livraisons sécuritaires lorsque les conditions météorologiques hivernales sont défavorables.
Comment Cédric Chaperon entrevoit-il l’avenir du vélo en tant que solution alternative de transport? «Pourquoi pas des vélos adaptés pour transporter des palettes, ou encore intégrer les vélos à d’autres métiers?», demande-t-il. «Par exemple, est-ce qu’un plombier a besoin d’avoir un camion? Pas toujours. Certains pourraient très bien s’en tirer avec un vélo et une remorque pour transporter leurs outils. Ou même un mécano sur la route. Le CAA le fait déjà avec un vélo électrique et un kit d’assistance rapide pour aider leurs membres qui sont coincés sur la route. De notre côté, on essaye d’inspirer un petit peu ce qui va se produire au cours des prochaines années.»
–Par Nicolas Trépanier
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