Un spécialiste montréalais de l’intelligence artificielle plaide pour la présence d’humains à bord des camions autonomes

L’entreprise montréalaise AIR (Artificial Intelligence Redefined) fait partie de la délégation officielle du Québec qui se trouve cette semaine à Singapour pour l’Intelligent Transport Systems (ITS) World Congress, le plus important congrès mondial sur les technologies du transport.

Peu de temps avant de s’envoler vers l’Asie, le cofondateur d’AIR et spécialiste de l’intelligence artificielle (IA), Fabrice Condominas, a accordé une entrevue à Transport Routier, où il précise sa pensée selon laquelle  « L’intelligence artificielle apprend déjà des humains. Il est temps que ces derniers puissent apprendre d’elle et qu’ils instaurent une interaction qui permettra d’atteindre un niveau supérieur de connaissance. »

Dans un premier temps, M. Condominas confirme l’intérêt que suscite le camionnage pour son entreprise. « Pour nous le transport routier, par camion spécifiquement, est particulièrement intéressant parce que c’est un des domaines où, si vous reculez de cinq ans, on nous annonçait qu’il n’y aurait plus jamais de chauffeurs routiers. Et plus les gens avancent, plus ils se rendent compte que ce n’est pas si simple que ça. »

Fabrice Condominas.

Il explique que la technologie est déjà suffisamment avancée pour faire en sorte qu’un camion se déplace de façon entièrement autonome du point A au pont B mais que la période de transition au cours de laquelle les véhicules autonomes côtoieront ceux conduits par des humains sera beaucoup plus longue que ce qui avait d’abord été prévu.

Cette cohabitation peut engendrer des conflits de circulation, dit-il, parce que les usagers de la route ne sont pas aussi disciplinés qu’une machine. Par exemple, même si une voie est réservée aux camions autonomes sur une autoroute, il faut tenir compte du fait qu’un certain nombre d’automobilistes vont tout de même s’y aventurer.

Assister l’humain, pas le remplacer

Selon M. Condominas, il n’est donc pas question que les chauffeurs soient exclus de la cabine des camions autonomes. « On ne peut pas complètement enlever l’humain de cette boucle-là », dit-il.

Bien sûr, la tâche d’un chauffeur assigné à un camion autonome sera allégée. « On ne veut pas que l’intelligence artificielle remplace des humains, mais plutôt les libère d’un certain nombre de tâches secondaires. »

D’autre part, les chauffeurs humains représentent une certaine forme de réconfort pour les expéditeurs qui confient des cargaisons de grande valeur aux entreprises de transport par camion. «  Beaucoup de clients à l’heure actuelle ne sont pas complètement confortables à automatiser complètement tout ça », précise-t-il.

La façon d’envisager l’interaction entre le chauffeur et le camion autonome doit également être revue selon M. Condominas. Si les camions apprennent de l’humain pour devenir de plus en plus autonomes, l’apprentissage peut aussi se faire dans l’autre sens, selon lui. Un camion autonome pourrait ainsi devenir une forme de coach de conduite. « À aucun moment jusqu’à maintenant, ce que les IA avaient appris n’est revenu aux opérateurs humains », dit-il.

Dans un contexte de camionnage, l’intelligence artificielle pourrait ainsi assister les chauffeurs dans la gestion des priorités, par exemple un pneu qui éclate au même moment où un orage commence à déverser des trombes d’eau sur la chaussée. « On peut avoir des IA dans le cockpit qui vont fournir des recommandations », explique M. Condominas, soulignant cependant que la décision finale reviendrait toujours à l’humain.

Parlant de météo, notons que la firme américaine plus.ai travaille en ce moment à tester les limites des camions autonomes en conditions hivernales, au Minnesota en collaboration avec le ministère des Transports local (photo ci-dessous).

Quelle vie en priorité?

La conduite autonome amène son lot de questions éthiques, pour lesquelles les machines ne sont pas préparées. Si par exemple un pneu éclate sur un camion dont les portières de la remorque se sont ouvertes, laissant tomber de la marchandise sur la route, quelle vie faut-il prioriser? Celle du chauffeur aux commandes d’un camion en déroute ou celles des automobilistes derrière qui risquent d’être frappés par la marchandise qui s’échappe de la remorque?

De là l’importance d’avoir à bord un chauffeur humain pour qui les notions de « bien », de « mal » et de « mieux » sont bien concrètes. « Je crois que tout le monde accepte plus ou moins l’idée qu’on ne va pas enlever les camionneurs de la route », insiste M. Condominas.

AIR compte offrir des services-conseils aux entreprises de camionnage qui envisage d’intégrer des camions autonomes à leur flotte. « Il y a un modèle d’affaires chez ces gens-là [les transporteurs] qui est en pleine mutation », déclare-t-il pour illustrer le coup de main que des spécialistes en IA pourraient leur donner.

La firme travaille également à des partenariats avec des fabricants de camions; des discussions avec deux d’entre eux seraient en cours. « Notre espoir est de fermer certains de ces contrats à Singapour, justement » conclut M. Condominas.

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