Une course propre

par Jim Park

Les camions électriques à batterie et à pile à combustible trouveront-ils chacun leur place, ou y aura-t-il un seul vainqueur?

Jusqu’à ce que quelqu’un invente un convecteur temporel ou découvre des cristaux de dilithium quelque part dans notre système solaire, la transition énergétique passera par les batteries lithium-ion et les piles à hydrogène. Ces deux sources d’énergie sont souvent positionnées comme des technologies concurrentes, mais elles s’avéreront probablement complémentaires.


De nombreuses parties intéressées, dont Cummins et Volvo Trucks, semblent penser qu’il y a de la place pour l’hydrogène et les batteries dans le monde des poids lourds.


L’hydrogène n’est pas un carburant au sens traditionnel. C’est un moyen de stockage de l’énergie, un peu comme une batterie. De la même manière que l’énergie électrique produite par un panneau solaire ou un parc éolien peut être stockée dans une batterie, une partie de l’énergie récoltée peut être utilisée pour alimenter des électrolyseurs qui séparent les molécules d’eau en hydrogène et en oxygène. L’hydrogène est comprimé et stocké. L’hydrogène comprimé peut être transporté par camion dans des cylindres haute pression ou refroidi et stocké sous forme de liquide cryogénique dans un camion-citerne.

Hino Trucks et Toyota Motor North America ont annoncé le développement d’un camion de classe 8 à hydrogène destiné au marché nord-américain. (Photo : Hino)


Les détracteurs de l’hydrogène soulignent les pertes qui se produisent lors de la conversion de l’énergie d’une forme à une autre. Il est communément admis que l’efficacité de conversion du «puits à la roue», dans le cas de l’hydrogène, se situe aux alentours de 60 %, ce qui signifie que 40 % de l’énergie récoltée est consommée dans le processus. Par ailleurs, les pertes de conversion «du puits à la roue» associées aux batteries sont généralement inférieures à 10 %. À titre de référence, même les meilleurs moteurs diesel actuels ont un rendement inférieur à 50 % pour transformer l’énergie chimique du carburant diesel en énergie cinétique permettant de faire avancer les camions.


Le pour et le contre


Un volt est un volt, qu’il provienne d’une pile à hydrogène ou d’une batterie lithium-ion. Il est facile de choisir minutieusement les avantages et les inconvénients de chaque technologie en fonction de ses besoins mais, au bout du compte, les batteries et les piles à combustible sont toutes deux viables, même si c’est pour des raisons différentes.
Les batteries sont lourdes et coûteuses, bien que leur prix et leur poids soient en constante amélioration. Elles ne réagissent pas bien à une décharge inférieure à 20 % de leur capacité. Pour réduire les temps de recharge, elles sont souvent rechargées à seulement 80 % de leur capacité prévue, ce qui compromet l’autonomie. Elles perdent également une partie de leur capacité de stockage au fil du temps, à cause de la recharge rapide et des cycles de recharge/ décharge répétés, et elles sont sujettes à des pertes d’efficacité à des températures ambiantes basses.


L’extraction des matières premières et la production des piles entraînent également des conséquences environnementales. Mais les batteries offrent une connexion relativement facile à une source d’énergie par le biais d’un réseau électrique qui, dans la plupart des cas, existe déjà.


Le Saint Graal en matière d’hydrogène, c’est un approvisionnement abondant en hydrogène «vert» renouvelable produit à partir de sources éoliennes, solaires, hydroélectriques ou nucléaires. La production d’hydrogène à partir de sources renouvelables reste coûteuse, mais le prix diminue, et la technologie ainsi que son déploiement sont encore relativement nouveaux.

Cummins intensifie son développement de l’hydrogène, reconnaissant la nécessité de remplacer une grande partie de la production actuelle d’hydrogène «gris» par des formes «bleues» ou «vertes». (L’hydrogène bleu séquestre une grande partie du dioxyde de carbone qui accompagne l’hydrogène gris, et le stocke sous terre).


La quasi-totalité de l’hydrogène produit aujourd’hui est gris. Il est généralement obtenu par reformage du méthane à la vapeur et utilise des quantités importantes d’énergie provenant du gaz naturel. «Cela produit plus de 830 millions de tonnes de CO2 par année, ce qui équivaut à plus d’émissions que toute l’Allemagne», affirme Tom Linebarger, président-directeur général de Cummins.

Alors que seulement 1 % de l’hydrogène d’aujourd’hui est vert, M. Linebarger ajoute que l’avenir est à l’hydrogène produit par des électrolyseurs par des sources renouvelables. Cummins produit déjà des électrolyseurs.


L’avantage perçu de l’hydrogène


En gardant à l’esprit que les technologies des batteries et des piles à combustible n’en sont qu’à leurs débuts, les défenseurs de l’hydrogène vantent le poids total plus faible des véhicules comme l’un des principaux avantages des systèmes de piles à combustible par rapport aux batteries. Des camions plus légers impliquent moins de charge utile sacrifiée au profit de l’autonomie, ce qui rend les camions à pile à combustible mieux adaptés au transport longue distance.


L’expérience actuelle avec des camions électriques à batterie de classe 8 de préproduction suggère qu’ils sont environ 7 000 à 10 000 livres plus lourds que les camions diesel. Au moins deux fabricants de camions à pile à combustible, Nikola et Hyundai, affirment que les camions à pile à combustible d’une autonomie de 500 milles auront un poids à vide de 18 000 à 20 000 livres, ce qui les rendra concurrentiels avec les modèles diesel.

L’entreprise Loop Energy de Vancouver a fourni les piles à combustible de ce prototype développé par Transpower, filiale de Meritor, pour des essais menés dans certains ports de l’ouest des États-Unis. (Photo : Loop Energy)


Une analyse de la NACFE et des fiches techniques de Hyundai suggèrent que ces estimations sont peut-être un peu optimistes. Dans un rapport, la NACFE souligne qu’elle s’attendait à ce que les tracteurs à pile à combustible soient 4000 à 5000 livres plus lourds que des véhicules diesel comparables, mais toujours un peu plus légers que les camions électriques à batterie.


Ce rapport d’orientation, qui compare un camion diesel et un camion à pile à combustible, s’appuie sur des spécifications théoriques compilées par Ballard Power Systems qui correspondent à l’autonomie de la flotte de démonstration Run on Less – Regional de la NACFE. Le résultat net était un véhicule à hydrogène qui pesait 7 750 livres de plus qu’un camion diesel.


Lorsque Hyundai a annoncé, l’automne dernier, son intention de commercialiser des camions à pile à combustible en Amérique du Nord, les spécifications publiées indiquaient qu’un tracteur 4×2 de 36 tonnes, dont l’autonomie peut atteindre 250 milles (400 km), avait un poids à vide de 21 560 livres. Il s’agit de l’autonomie de la batterie avec seulement deux essieux, et non de l’autonomie de 500 milles sur une plateforme 6×2 que les transporteurs nord-américains souhaitent pour un camion longue distance.


Coût, approvisionnement et politique


Le groupe Volvo et son grand rival Daimler Truck AG ont annoncé la création d’une coentreprise baptisée cellcentric dans le but de développer des piles à combustible. Cet ambitieux projet entraînera la construction d’une usine de fabrication de systèmes de piles à combustible – l’une des plus importantes d’Europe – dont l’exploitation devrait commencer en 2025.


«Si l’objectif est d’avoir un système de transport routier décarboné d’ici 2050, quand on sait qu’un véhicule commercial a une durée de vie de 10 ans, cela signifie qu’à partir de 2040, nous ne pourrons proposer à nos clients que des solutions sans combustible fossile», explique Lars Stenqvist, responsable de technologie chez Volvo.


Il parle d’un point de vue global. Les piles à hydrogène suscitent déjà un grand intérêt en Europe et en Chine, cette dernière ayant une longueur d’avance sur la plupart des pays en ce qui concerne le déploiement de piles à combustible dans des autobus et des camions légers. L’Amérique du Nord n’a pas encore adopté l’hydrogène en tant que carburant de substitution viable. Ici, les camions électriques à batterie ont gagné en popularité auprès des autorités de réglementation et des partisans de l’énergie verte. Les piles à combustible à hydrogène sont donc perçues comme une nouveauté, en quelque sorte.


Le Canada semble prendre l’hydrogène au sérieux et a élaboré la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Nous sommes riches en matières premières qui permettent de produire de l’hydrogène, à savoir l’énergie hydroélectrique et le gaz naturel.


Selon M. Stenqvist, la quantité d’hydrogène produite dans le monde aujourd’hui doit être multipliée par cinq ou six, peut-être même sept. Puisque l’hydrogène produit est essentiellement gris, il devra être épuré en hydrogène bleu ou remplacé par de l’hydrogène vert. Et bien sûr, le produit final doit être offert à un prix concurrentiel. M. Stenqvist pense que c’est possible.


«Nous avons certainement du chemin à parcourir, mais si le camionnage était la seule industrie à compter sur l’hydrogène à long terme, je serais beaucoup plus inquiet que je ne le suis aujourd’hui», conclut-il. «Mais beaucoup d’industries s’engagent aujourd’hui sur la voie de l’hydrogène et elles ont aussi besoin de sources d’hydrogène propre et bon marché.»

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