Bureaucratie, capacité du réseau, emplacement des bornes : encore du chemin à parcourir sur la route de l’électrification des transports

L’électrification des transports amènera forcément une demande accrue en électricité pour alimenter tous ces véhicules zéro émission. Elle exigera la mise en place de nouvelles infrastructures de production et de distribution de courant.

Sans oublier l’entretien des infrastructures existantes. La récente tempête de neige et les feux de forêt de l’été dernier montrent bien à quel point les changements climatiques mettent à mal la fiabilité des réseaux électriques.

Employé d’Hydro-Québec dans un arbre avec fils électriques
(Photo : Hydro-Québec)

Électricité Canada est l’organisme qui regroupe les grands joueurs du secteur au pays comme Hydro-Québec, Hydro One en Ontario ou encore BC Hydro en Colombie-Britannique et Énergie NB au Nouveau-Brunswick.

Ce regroupement a récemment lancé un cri d’alarme, disant que le pays n’atteindrait pas ses cibles de carboneutralité si les actuelles lourdeurs administratives demeuraient en place et que les producteurs continuaient à se buter à ce qu’ils appellent « la culture du non ».

« De multiples organismes de réglementation interprètent à leur manière ce qui peut se faire ou non »

« L’an dernier, le gouvernement fédéral a promis qu’un dollar sur huit nouveaux dollars dépensés serait consacré aux projets d’énergie propre. Depuis la Seconde Guerre mondiale, on n’avait pas vu d’engagement de cette envergure. Malgré cela, les projets sont retardés, stagnent à l’étape de l’approbation ou sont mis en sursis », dit Électricité Canada par voie de communiqué, citant notamment un projet de l’Alberta qui stagne et celui de la Boucle atlantique dans les Maritimes qui a été interrompu pour une durée indéterminée.

Électricité Canada estime que « rien n’avance » et son PDG Francis Bradley n’y va pas par quatre chemins.

« Les retards chroniques des projets électriques ne sont pas un problème de financement. Ils ne sont pas un problème de technologie. Ils ne sont même pas un problème de principe. Le problème, ce sont les gens. Un ordre de gouvernement oriente, un autre réagit et de multiples organismes de réglementation interprètent à leur manière ce qui peut se faire ou non », déplore-t-il.

Les réseaux sont-ils prêt à l’afflux de véhicules électriques?

Selon le porte-parole d’Hydro-Québec Louis-Olivier Batty, la demande en électricité à l’horizon de 2032 pour l’électrification des transports – véhicules légers, moyens et lourds – est estimée à 10,8 térawattheures (TWh, soit 1 000 milliards de watts fournis en une heure).

Cela semble indiquer que le réseau d’ici suffirait à cette demande puisque, ajoute le porte-parole d’Hydro, le volume des ventes d’électricité au Québec a été de 177 TWh en 2023, soit 16 fois plus que la demande anticipée pour tous les véhicules électriques en 2032.

Poste convertisseur d’Hydro-Québec près de Granby
(Photo : Hydro-Québec)

« Il y a plusieurs choses qui se font. Du côté du Circuit électrique, ça fait déjà quelques années qu’on regarde la recharge des véhicules lourds. Les projets pilotes se mettent en branle », indique M. Batty en entrevue à Transport Routier.

« Électrifier l’ensemble des transports, légers et lourds au Québec, on a une bonne idée de ce que ça va demander comme énergie et ce que ça va représenter comme augmentation. Mais après, à la question de savoir les endroits où le réseau a la capacité de le faire, c’est un autre enjeu », ajoute-t-il.

Où installer les bornes pour camions électriques?

Le projet pilote du Circuit électrique auquel M. Batty fait référence vise la mise en place d’un réseau de recharge pour les véhicules de poids moyen et lourd.

« Grâce à ce projet pilote, nous souhaitons déterminer quels sont les éléments clés nécessaires à un déploiement optimal de bornes publiques pour ce type de véhicule. Le projet nous donnera notamment une meilleure compréhension des schémas de recharge de ces véhicules. Nous pourrons ainsi développer une offre correspondant à leurs exigences particulières », dit Hydro-Québec sur la page Web consacrée à l’initiative.

Les entreprises de camionnage désireuses de participer à ce projet pilote peuvent s’y inscrire à l’adresse courriel vehiculeslourds@lecircuitelectrique.com.

L’ouverture récente d’un pôle de recharge rapide adapté aux poids lourds à un relais routier de Saint-Louis-de-Blandford en bordure de l’autoroute 20 représentait un choix naturel, puisque les camionneurs fréquentaient déjà cet endroit.

Il vient s’ajouter aux sites de l’Assomption, dans Lanaudière, et de Laval, tous deux conçus pour accueillir des camions électriques.

Celui de L’Assomption est placé tout près de l’autoroute 40. Il est équipé d’une borne de 180 kW comportant deux connecteurs SAE Combo.

Site de recharge pour camions à Laval
Le site de recharge de Laval. (Photo : Hydro-Québec)

Celui de Laval est situé sur la rue Cunard, dans le parc industriel. Sa configuration facilite l’accès aux véhicules lourds et de poids moyen avec remorques et leur permet de se stationner de part et d’autre des deux bornes qui s’y trouvent. Ces bornes se partagent une puissance de recharge maximale de 350 kW et offrent des connecteurs SAE Combo et CHAdeMO.

Il reste cependant à élaborer un plan d’ensemble tenant compte de l’ensemble du territoire québécois, et des corridors de transport les plus susceptibles d’être empruntés par des camions électriques pour déterminer les emplacements les plus propices à l’installation de bornes de recharge publiques pour poids lourds.

Cette réflexion est déjà entamée en Ontario.

Nos collègues de Trucknews.com nous apprennent en effet que le Pembina Institute travaille en ce moment avec FedEx afin d’identifier les emplacements de recharge idéaux pour les camions dans la grande région de Toronto.

Un autre partenaire de l’initiative, le Rocky Mountain Institute (RMI) va de son côté utiliser ses outils de calcul afin d’aider les décideurs à savoir où le réseau électrique sera le plus sollicité dans une optique de déploiement à grande échelle de véhicules électriques.

À l’Institut du véhicule innovant (IVI) de Saint-Jérôme, la responsable des communications pour le projet Flotte rechargeable, Julie Chamberland, suit évidemment de près les projets pilotes d’Hydro-Québec.

L’IVI a pour mandat, entre autres, de sensibiliser les gestionnaires de flotte à comprendre comment les véhicules lourds électriques actuellement disponibles peuvent être intégrés dans leurs opérations quotidiennes.

« Notre projet s’intéresse vivement à l’avancement de l’offre publique puisque nous croyons que l’accès adéquat au réseau de recharge publique est un des éléments clés pour favoriser l’intégration des camions lourds sur nos routes au Québec », écrit Mme Chamberland dans un échange de courriels avec Transport Routier.

Donnez votre avis

Vos données ne seront ni publiées, ni partagées.

*