Ce que nous pouvons apprendre de la Corée du Sud et du Japon à propos de la filière hydrogène en transport: Interact Analysis

Dans sa plus récente analyse de marché, Interact Analysis, sous la plume de son analyste pour les véhicules commerciaux Marco Wang, s’intéresse à la pénétration de l’hydrogène en transport pour la Corée du Sud et le Japon, au chemin parcouru dans le développement des infrastructures et des obstacles auxquels ces pays sont confrontés afin d’atteindre leurs objectifs de décarbonation des transports.

Un réservoir d’hydrogène sur un camion lourd. Photo: Istock

Des problèmes qui, incidemment, ne sont pas très différents de ceux auxquels nous sommes confrontés ici en Amérique du Nord.

La patience est de mise

Un premier constat peut être tiré de ce rapport: il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Une filière aussi prometteuse ne se construit pas en claquant des doigts. Il faut faire s’arrimer plusieurs aspects avant de voir des résultats concrets se matérialiser. Ça prend les véhicules, une production adéquate d’énergie, les stations de ravitaillement tentaculaires et, enfin, un marché d’acheteurs qui sont capables de se payer lesdits véhicules.

Pour M. Wang, la Corée du Sud et le Japon, du fait qu’ils ont déjà commencé à commercialiser des véhicules à l’hydrogène – d’abord les autos, puis les autobus et enfin les camions lourds – font partie des leaders au monde en ce qui a trait à la production de véhicules et de piles à hydrogène.

Au Japon, quelque 4 200 véhicules (autos et bus) à l’hydrogène roulent depuis 2017, mais pas encore de camions lourds. En Corée du Sud, au royaume du manufacturier Hyundai, on a produit, en 2021, quelque 8 500 véhicules à pile à hydrogène. Une croissance annuelle de 47% par rapport à 2021.

D’ailleurs, Hyundai produit, à ce jour, 100% des véhicules commercialisés sur son territoire national. Raison supplémentaire pour eux d’attaquer ce marché embryonnaire et prometteur.

Introduction des camions lourds

« Le camion à pile à combustible, précise M. Wang, a fait ses débuts en… 2021 seulement. Le premier lot de cinq camions à hydrogène a été déployé à Incheon et Ulsan. Ce déploiement est un projet pilote du gouvernement et de Hyundai Motor, le ministère coréen de l’Environnement fournissant plus de 50% de subventions pour chaque camion. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre l’objectif (fixé par l’État) de 10 000 camions à hydrogène sur les routes coréennes au cours de la prochaine décennie. »

(Aparté: C’est en Chine que les camions lourds à hydrogène Hyundai sont les plus en demande aujourd’hui. Une entente pour la construction de 4 000 unités du modèle Xcient a été signée cette année avec Pékin. « D’ailleurs, ce pays représente, à ce jour, 85% des livraisons de tous les camions lourds à hydrogène dans le monde.)

Si on ajoute à cela les modèles de Tesla, Nikola, Daimler, Volvo et d’autres manufacturiers qui viendront bientôt bonifier l’offre de camions lourds mus par des piles à l’hydrogène, « comment expliquer la diminution, dans la dernière année, de la demande pour ces véhicules après quelques années de croissance soutenue, » demande M. Wang?

Le ravitaillement

L’auteur identifie deux solutions avant que cette technologie puisse définitivement se déployer dans les pays visés, mais aussi à travers le monde: « les stations de ravitaillement et le soutien gouvernemental à plus ou moins long terme. » Jusqu’à ce qu’une demande accrue, en définitive, puisse faire baisser les prix à un niveau acceptable pour les transporteurs et les consommateurs de camions lourds, d’autobus et d’automobiles.

En Corée du Sud, l’auteur note que les stations de ravitaillement actuelles sont insuffisantes. La vitesse de construction de ces stations est donc vitale pour absorber la demande présente et à venir. Le pays a en effet l’ambition de mettre sur les routes, en 2030, 10 000 camions lourds et 20 000 autobus à l’hydrogène.

Dans un échange de courriels avec Transport routier, M. Wang précise « qu’il est difficile de prévoir une forte augmentation des véhicules à hydrogène en 2022. Le manque d’installations de ravitaillement en hydrogène en est la principale raison. » Un déficit d’infrastructures (stations et production d’hydrogène) qui plombe la croissance de cette filière à court terme.

« Il y a actuellement quatre fois plus de véhicules à hydrogène sur les routes de Corée du Sud qu’au Japon, mais moins de stations de ravitaillement en hydrogène qu’au Japon. Le mois dernier, nous avons appris que l’achat d’hydrogène était limité pendant une certaine période dans plusieurs stations de ravitaillement en Corée du Sud. De plus, le nombre de pannes de stations de ravitaillement en hydrogène en Corée du Sud a continué d’augmenter entre 2019 et 2021. Cette année, nous voyons que les pannes cumulées des stations de ravitaillement en hydrogène de janvier et août ont déjà dépassé celles de toute l’année 2020, » constate M. Wang par écrit.

Des subventions à l’achat

L’autre clé vers la réussite est le soutien financier des gouvernements coréen et japonais afin de stimuler une demande de véhicules encore très chère à produire. Ces gouvernements s’inquiètent cependant du ressac actuel dans le marché. « C’est ce qui déterminera, dans l’avenir, leur niveau d’investissement et de confiance dans cette filière, précise M. Wang par courriel.

À l’heure actuelle, le gouvernement sud-coréen offre des subventions directes à l’achat et des projets avec des villes pivots afin de faire progresser la demande jusqu’à ce que le marché atteigne un niveau de rentabilité commerciale satisfaisante.

Dans l’avenir, les problèmes de production et de ravitaillement, s’ils ne sont pas réglés favorablement à la croissance de ce marché, pourraient avoir une incidence directe sur la confiance du gouvernement et de sa volonté d’investir financièrement dans l’hydrogène, vient cependant conclure le rapport d’Interact Analysis.

Avec des camions lourds à hydrogène qui se vendent (ou se vendront bientôt) en Suisse, en Nouvelle-Zélande et en Allemagne, la Corée du Sud semble ête prête pour un déploiement massif de camions lourds à hydrogène sur son territoire.

La recette, qu’elle soit appliquée au Québec ou ailleurs dans le monde, semble être la même partout. Rome ne s’est pas faite en un jour, quand même.

Rédacteur professionnel depuis plus de 15 ans, Christian possède une expérience considérable à titre de journaliste spécialisé en transport, notamment à titre de directeur de la rédaction de L'Écho du transport, magazine aujourd'hui disparu, et de Transport durable magazine.

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