L’International eMV est arrivé au Québec. Nous l’avons essayé.

Le premier camion International eMV au Québec est arrivé il y a quelques semaines chez Camions Inter-Anjou. Les entreprises intéressées à ajouter un camion porteur électrique à batteries à leur flotte peuvent en faire l’essai en conditions réelles. J’ai eu moi-même l’occasion de le conduire au début d’avril dans des conditions qui, hormis les cueillettes et les livraisons chez des clients, se rapprochaient au maximum de la vraie vie. Recharge comprise.

C’est Bruce Gagnon, représentant des ventes et responsable des essais du eMV, qui m’a accompagné durant l’essai qui a duré près de trois heures. Il avait pris soin de placer une charge de 9 000 livres dans le fourgon de 26 pieds, ce qui a permis de véritablement évaluer la performance du véhicule et, plus particulièrement, de constater comment le système de freinage régénératif travaille.

Les caractéristiques

Notre camion d’essai affiche un poids nominal brut de 33 000 livres et peut transporter une charge pouvant atteindre 13 600 livres. La version électrique eMV est montée sur le même châssis que l’International MV au diesel et elle présente la même configuration en cabine. «Il était important pour Navistar que les conducteurs retrouvent le même environnement en cabine», explique Bruce Gagnon. La seule différence notable, et elle est fort intéressante, c’est l’angle d’inclinaison beaucoup plus prononcé du capot. L’absence d’un moteur thermique à l’avant permet cette modification qui procure une visibilité remarquable.

L’International eMV est un gros poids moyen offert en configuration 4×2 et à des PNBV de 25 999 et 33 000 lb. (Photo : Steve Bouchard)

International a choisi de monter les batteries à l’intérieur des longerons du châssis. «Cette approche permet d’adapter les différents types d’équipement de caisse de la façon la plus simple possible, peu importe le fabricant», poursuit M. Gagnon. Contrairement à un camion diesel, il n’est pas possible de raccourcir ou d’allonger le châssis d’un camion électrique comme le eMV et les fixations doivent se trouver à des endroits très précis. «L’avantage avec l’installation entre les longerons, c’est qu’il est possible pour les équipementiers d’installer différents types d’équipement de caisse, par exemple un fourgon ou une benne. Cela facilite leur travail.»

La propulsion est assurée par un moteur Dana TM4 Sumo de 255 kW/2 335 Nm et des batteries haute tension d’une capacité de 210 kW. Bruce Gagnon me montre dans le tableau de bord numérique du eMV la section ou sera affichée la «charge de propulsion» (propulsion load). «C’est la capacité d’énergie demandée au moteur électrique. Pour maximiser l’autonomie, on doit viser que cette charge se situe entre 30 % et 50 %.»  

En accélération maximum pour entrer sur l’autoroute lors de l’essai routier, la charge est montée à 83 %. «Durant un court laps comme ça, ce n’est pas ce qui va taxer le plus la consommation. Le pire, c’est quand on se tient continuellement dans le 50 % et plus. Là, on voit l’impact sur la batterie.»

Conduire autrement

Le freinage régénératif est un véritable atout pour les camions électriques. Si le conducteur sait s’en servir efficacement, il permet d’optimiser l’autonomie du véhicule et de réduire substantiellement l’utilisation des freins et, conséquemment, leur usure.  

On peut comparer l’effet du freinage régénératif à celui d’un frein moteur sur un camion au diesel. Dès que le conducteur relâche la pédale d’accélération, le système de régénération des freins procure un effet de rétrogradation. La régénération peut être réglée selon trois niveaux «d’agressivité» sur le eMV : 33 %, 50 % et 99 %. On peut aussi choisir de ne pas faire agir du tout le système.

Le tableau d’affichage électronique du eMV permet de consulter les informations clés en un clin d’œil. (Photo : Steve Bouchard)

Au début, on a tendance à relâcher complètement l’accélérateur et à mettre le pied sur la pédale de frein pour ralentir. Mais c’est quand on comprend la conduite à une pédale que l’on tire vraiment le maximum du véhicule. Il faut doser la pression appliquée sur l’accélérateur – un peu à la façon d’une auto tamponneuse – et laisser le freinage régénératif effectuer le travail. En anticipant bien, on arrive à ne pas mettre le pied sur la pédale de frein sauf lors des arrêts complets.

«Le moteur consomme 250 kW en puissance de pointe, mais 160 kW en continu. La régénération développe 200 kW. Cela signifie qu’en ville, la régénération du freinage peut faire emmagasiner plus d’énergie que le camion en dépense», de dire Bruce Gagnon.

Nous en avons eu un bon exemple lors de notre essai routier. Partis d’Anjou avec 136 km d’autonomie, nous sommes arrivés à la borne de recharge pour camions lourds de la rue Cunard à Laval avec une autonomie de 147 km affichée dans le tableau de bord.

«Nous avons récupéré de l’autonomie en roulant. C’est pour cela qu’il est impossible de dire précisément l’autonomie du camion», explique M. Gagnon. Un grand nombre de facteurs influencent l’autonomie : la régénération certes, mais aussi le poids, la vitesse, la façon de conduire, la direction du vent et même la densité de l’air.

Notre essai a comporté un arrêt à la borne de recharge pour camions lourds du Circuit électrique à Laval. (Photo: Steve Bouchard)

La recharge publique

Notre essai routier a donc comporté un arrêt au poste de recharge pour véhicules lourds de Laval. Dans le cadre d’un projet pilote du Circuit électrique, deux bornes se partagent une puissance de recharge maximale de 350 kW.

On branche le camion exactement comme on branche une voiture. Un témoin bleu indique que le branchement est fait et un témoin vert signale ensuite que la recharge a commencé.

La borne affichait que le camion était chargé à 84 % et que la recharge se faisait à 124 kW, soit la pleine capacité du camion. Une borne de 350 kW recharge très rapidement un camion, mais ce n’est pas donné : 38,67 $ l’heure, facturé à la seconde, peu importe le niveau de charge de la batterie.

Pour la démonstration, nous avons fait une recharge de 10 minutes qui a permis d’injecter 21 kWh dans le camion au prix de 0,29$ par kWh et d’avoir dans la batterie 31 km d’autonomie de plus qu’au moment de notre départ. Notre essai routier de 49 km aura couté autour de 6 $.

«Il est préférable de recharger à ses propres installations en raison du temps que cela fait gagner, mais aussi parce que le cout est beaucoup plus bas», indique M. Gagnon.

Impressions de conduite

L’absence de bruit et de vibrations est l’avantage le plus rapidement notable au volant d’un camion électrique. Il fait en sorte que le conducteur se sent moins fatigué à la fin de sa journée.

La réponse à l’accélération est un peu plus lente avec un camion électrique. On parle de moins d’une seconde de délai, mais une fois que le couple est transmis aux roues, la réaction est vive et l’accélération est linéaire.

Sinon, les conducteurs ne seront pas dépaysés au volant du eMV.

En moyenne, Bruce Gagnon fait essayer le eMV à deux clients par semaine. «Il y a deux types de clients, dit-il. Celui qui veut se démarquer comme “vert” ou qui a des pressions du gouvernement. Il veut un camion électrique, peu importe le prix. Et il y a celui qui a une motivation environnementale, mais qui se demande s’il peut faire des économies avec un camion électrique.»

Néanmoins, toutes les applications ne se prêtent pas à l’électrification, prévient M. Gagnon. «On analyse les besoins du client, on voit s’il y a des ajustements à apporter. On regarde les capacités de charge, les temps de recharge qui sont très importants pour nous. Il faut tenir compte des conditions hivernales. L’électrique, c’est un peu plus analytique. Il ne faut pas partir avec l’idée que le camion électrique doit remplacer un camion diesel à tout prix.»

Le client idéal pour le eMV? «C’est celui qui roule en ville et aux alentours. Plus il roule dans la circulation, plus il va maximiser la régénération au freinage. Et plus il va optimiser l’autonomie.»

Note: L’article a été mis à jour pour apporter des corrections aux unités de mesure de puissance et d’énergie ainsi que des précisions quant au cout de la recharge publique.

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

Donnez votre avis

Vos données ne seront ni publiées, ni partagées.

*

  • Monsieur Bouchard je vous lie régulièrement et vos analyses sont toujours pertinentes continuer votre bon travail

    • Merci beaucoup pour votre commentaire M. Goudreau, c’est très apprécié. Nous essayons toujours d’avoir les analyses les plus fluides possible.