Où est passée la main-d’œuvre?

Mon fils prend l’autobus pour aller au cégep. Trois fois au cours du dernier mois, il l’a attendu en vain. Son autobus n’est jamais passé «pour cause de manque d’effectifs».

Je ne vous apprendrai rien : il manque de monde partout. On voit des heures d’ouverture réduites et les employés qui sont en poste sont surchargés. Des autobus ne passent plus! Et dans notre industrie, des cargaisons ne sont pas livrées en raison du manque de camionneurs.

Au plus fort de la pandémie, on pouvait facilement comprendre pourquoi. Les périodes d’isolement ont occasionné un absentéisme majeur dans plusieurs industries et les prestations d’urgence du gouvernement fédéral ont été pointées du doigt, souvent avec raison. Mais maintenant que les confinements, les longues périodes d’isolement et les aides gouvernementales sont passés, qu’est-ce qui fait que le manque de main-d’œuvre semble plus grave aujourd’hui qu’avant la pandémie? La main-d’œuvre ne s’est quand même pas volatilisée en deux ans!

Avec un taux de chômage autour de 4 % au Québec, on peut techniquement dire que nous sommes en situation de plein emploi. Il y a donc beaucoup de personnes qui travaillent. En avril dernier, il y avait 180 000 chômeurs dans tout le Québec!

Les employés ont le gros bout du bâton. Combien de fois avez-vous entendu dire qu’un candidat convoqué à une entrevue d’embauche ne s’y est pas présenté, ou qu’un autre a levé les feutres après une demi-journée sans donner le moindre préavis?

Mais, encore une fois, où est passée la main-d’œuvre? Qu’est-ce qui s’est passé depuis deux ans? J’ai posé la question à Jessica Joyal, présidente du cabinet de chasseurs de têtes et de recrutement de cadres JOYAL, que vous pouvez régulièrement entendre sur les ondes du 98,5 FM.

D’abord, il y a eu l’exode des X et des babyboomers qui ont quitté le marché du travail durant la pandémie et qui ne veulent surtout pas y revenir. «Il y a un certain nombre de départs à la retraite qui se font depuis quelques années, et ce n’est pas terminé», constate Mme Joyal. «On sait qu’on en a jusqu’en 2030 à voir des départs à la retraite des babyboomers. Mais la pandémie a fait devancer la date de retraite de certaines personnes. Elles étaient fatiguées et, avec les changements dans les façons de travailler, elles ont décidé de partir.»

Ces gens commenceront-ils à s’ennuyer dans un an ou deux et voudront réintégrer un emploi à temps partiel ou à temps plein? C’est à voir.

Ensuite, la pandémie a fait découvrir à la main-d’œuvre quelque chose qu’elle a beaucoup aimé : le télétravail. Et les employés ne sont pas négociables sur cet aspect. Ils ont découvert les joies de ne pas être pris dans la circulation matin et soir.

«Les gens sont très, très sélectifs. Et beaucoup d’employeurs n’ont pas d’ouverture face à de nouvelles façons de faire. Face à l’immigration par exemple, ou encore aux horaires hybrides», poursuit Mme Joyal. Ces employeurs se privent d’un bon bassin de main-d’œuvre. «Maintenant, pour plusieurs, tout est question de qualité de vie. La priorité des valeurs a vraiment changé.»

Il y a aussi un phénomène qu’il ne faut pas négliger : il manque entre 37 000 (selon le gouvernement) et 50 000 (selon les regroupements de parents) places en garderie au Québec. Cela représente beaucoup de femmes – car ce sont majoritairement elles qui restent à la maison – qui ne sont peu ou pas du tout disponibles pour travailler.

La solution au manque de main-d’œuvre passera notamment par l’immigration, par le retour de ces femmes sur le marché du travail et par l’automatisation. Et, ajoute Jessica Joyal : tu dois rendre tes employés très heureux!

«Les gens aujourd’hui veulent travailler. Ils veulent leur paye, mais ils veulent du bonheur. Rassemblez-les, demandez-leur quelles sont leurs attentes, qu’est-ce que c’est pour eux le bonheur au travail. Écoutez-les et ensuite, mettez votre programme en place selon ce que vos employés ont dit.»

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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