Québec envisage les remorques de 60 pieds

Le Nouveau-Brunswick a récemment annoncé qu’elle serait la prochaine et dernière province des Maritimes à permettre la circulation de semi-remorques de 60 pieds sur son territoire.

L’Ontario les permet également, dans le cadre d’un projet pilote auquel le détaillant Walmart participe.

Le problème c’est qu’entre les deux, au Québec, la longueur maximale autorisée d’une semi-remorque est toujours de 53 pieds. Ce qui fait que les remorques de 60 pieds (60 pieds et 6 pouces pour être exact) ne peuvent pas circuler entre l’est et le centre du pays.

Cela pourrait être appelé à changer, laisse entendre le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) du Québec, qui dit étudier la possibilité de laisser circuler ici ces remorques allongées.

« La sécurité est le principe directeur lors de l’analyse de la question, en tenant compte des particularités du réseau routier de la province. Les conclusions éventuelles du projet pilote mené en Ontario par rapport à ce format de semi-remorques seront aussi prises en considération », indique Louis-André Bertrand, porte-parole du MTMD.

Il ajoute qu’il est néanmoins trop tôt pour déterminer à quel moment le Québec se prononcera sur la question. Parmi les questions qui feront l’objet de réflexions : savoir si ces remorques de 60 pieds seraient permises sur l’ensemble du réseau ou seulement certaines routes désignées.

En Ontario, celles qui sont autorisées à le faire dans le cadre du projet pilote en cours peuvent circuler sur toutes les routes ontariennes, indique Brian Sookhai, directeur principal de l’innovation et de la planification du transport chez Walmart Canada.

Remorque frigorifique Walmart 60 pieds avec chauffeur qui en descend.
Walmart met à l’essai cette Utility frigorifique de 60 pieds sur un trajet entre Windsor et Mississauga, dans le cadre d’un projet pilote ontarien. (Photo : Walmart Canada)

Sur l’itinéraire entre Mississauga and Windsor, Walmart utilise une remorque frigorifique de 60 pieds. Elle peut transporter 30 palettes, soit quatre de plus qu’une remorque standard de 53 pieds.

Comme plus de produits peuvent être transportés avec un seul camion, moins de chauffeurs sont requis pour faire les rondes de livraisons et moins de GES sont émis par tonne de marchandise transportée.

Les fabricants sont prêts

Dans le cas de Walmart en Ontario, c’est Utility qui a fabriqué sa remorque allongée.

Au Québec, Manac est prête à se lancer dans la course aux 60 pieds. Déjà en novembre dernier, elle publiait sur sa page Facebook des photos de sa toute première remorque du genre, fabriquée pour une entreprise québécoise désireuse de transporter plus de marchandise entre deux de ses usines, sur son terrain privé, donc sans qu’un permis soit requis.

« Dans un contexte de pénurie de camionneurs, d’augmentation du prix du diesel et dans un effort de réduire l’empreinte écologique du transport, les entreprises sont à la recherche de solutions pour optimiser les chargements », disait alors Manac sur le réseau social.

Fourgon fermé Manac de 60 pieds.
Ce fourgon Manac de 60 pieds est utilisé sur un terrain privé et a servi de prototype pour valider les calculs du fabricant québécois. (Photo : Manac)

En entrevue à Transport Routier, Rodrick Levesque, vice-président à l’ingénierie chez Manac, dit lui aussi être en attente des conclusions du MTMD sur ces remorques « jumbo », à la lumière des résultats du projet pilote mené en Ontario.

« Ce à quoi on s’attend, c’est qu’ils vont probablement se servir de ces résultats-là pour faire la même loi au Québec », dit-il.

Selon M. Levesque, la clientèle type pour des remorques de 60 pieds serait des entreprises qui transportent des produits dont le volume est élevé mais dont le poids est limité. « On pense aux classiques. Du papier tissu, des chips, vraiment des produits où le poids n’est pas limitatif », indique l’ingénieur.

Il ajoute que le transport de panneaux de matière isolante pour le secteur de la construction, par remorque plateau, serait une autre application tout indiquée pour les remorques de 60 pieds.

Certes, par sa structure, un fourgon de 60 pieds est plus lourd qu’un autre de 53 pieds, donc on perd en charge utile. Ce n’est toutefois pas la première préoccupation de la clientèle-cible qui veut essentiellement plus de volume. Selon les calculs de Manac, un fourgon de 60 pieds offre 560 pieds cubes de plus qu’un 53 pieds.

Il y a cependant des défis d’ingénierie à relever pour ajouter ces sept pieds additionnels, notamment parce que l’équipement de production actuel est conçu pour des remorques de 53 pieds.

Il faut également tenir compte des modifications à apporter à la chaîne d’approvisionnement. « Les extrudeurs, majoritairement en Amérique du Nord, font des produits de 53, 57 pieds et non 60. Donc il y a certains défis d’ingénierie qu’il a fallu régler pour s’assurer de l’intégrité complète sur le 60 pieds », dit M. Levesque au sujet du premier prototype de semi-remorque de 60 pieds.

« Ça a permis de confirmer nos hypothèses et, qu’au final, le produit répond aux critères de qualité du marché », dit-il au sujet de ce prototype.

Pourquoi pas un train routier?

Pourquoi se plier à tous ces calculs et à toutes ces embûches pour augmenter le volume transporté alors qu’on pourrait simplement utiliser un grand train routier?

D’ailleurs, le gouvernement du Québec est justement en train de transformer à coups de millions de dollars la route 185 qui relie le Québec au Nouveau-Brunswick pour en faire une réelle autoroute – baptisée Claude-Béchard – à quatre voies avec talus central, qui permettra justement aux grands trains routiers d’y circuler alors qu’ils en sont présentement interdits.

Ce n’est pas si simple, nous dit l’expert de Manac, selon qui les 60 pieds ont également des avantages par rapport aux trains routiers.

Il mentionne dans un premier temps les qualifications requises. « Les chauffeurs de LCV [acronyme anglophone qui désigne les grands trains routiers]ont besoin de cours supplémentaires », dit M. Levesque, ajoutant qu’il y a d’autres limitations quant aux routes sur lesquelles les grands trains routiers peuvent circuler.

« L’espérance, c’est qu’avec des 60 pieds, ça pourrait contourner ou alléger certaines réglementations qui sont appliquées aux LCV », analyse le porte-parole de Manac.

Reste à voir ce que le ministère des Transports de l’Ontario (MTO) conclura du projet pilote en cours et si le MTMD québécois emboîtera le pas si le MTO décidait d’aller de l’avant, comme dans le Canada Atlantique.

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