Route 138 et désenclavement régional : la Côte-Nord revient à la charge

Les marées font partie du quotidien des gens de la Côte-Nord qui, comme les mouvements de la mer et de la lune, savent faire preuve de persistance en revenant constamment à la charge.

Toutefois, ce n’est pas parce qu’une situation perdure qu’elle est inéluctable et s’il n’en tient qu’à Réjean Porlier, maire de Sept-Îles, et à Caroline Girard, directrice générale de la firme de transport Transcol qui dispose de terminaux à Baie-Comeau, Sept-Îles et Chibougamau, la route 138 sera parachevée et permettra de désenclaver des populations entières.

« Ça fait 100 ans que ça se parle mais on ne veut pas vivre un autre 100 ans comme ça », dit le maire Porlier au sujet de la 138 en entrevue à Transport Routier. « Ce n’est pas normal que des gens soient obligés de se faire livrer leur pinte de lait par bateau ou par avion », renchérit Caroline Girard.

Caroline Girard, directrice générale de Transcol.

Il y a pratiquement un mois jour pour jour, une mobilisation des acteurs clés de la région les a menés jusqu’à Ottawa afin de réclamer du fédéral qu’il pèse de tout son poids pour que soit enfin achevé un lien routier digne de ce nom pour la Côte-Nord et tout l’est du Canada. Nous avions d’ailleurs d’ailleurs publié un article à ce sujet.

Les nord-côtiers n’entendent pas baisser les bras au sujet de la 138, notamment par les encouragements qu’ils ont perçus des ministres Garneau (Transports) et Champagne (Infrastructures) lors de leur périple à Ottawa. « Allez vous faire confirmer à Québec que c’est toujours une priorité, et nous on sera là », aurait dit en substance le ministre fédéral François-Philippe Champagne au maire Sept-Îles.

C’est très exactement ce que ce dernier a l’intention de faire à l’occasion d’une rencontre à venir avec Jonatan Julien, nouveau ministre provincial de l’Énergie et des Ressources naturelles et ministre responsable de la Côte-Nord.

Réjean Porlier, maire de Sept-Îles.

Des pourparlers entre élus de la région doivent également être ravivés avec leurs homologues du Labrador, précise Réjean Porlier, ajoutant que la viabilité des liens routiers n’est pas qu’un enjeu régional, touchant tout l’est du Canada. Il donne à titre d’exemple les gens du Labrador qui doivent souvent faire de longs détours par la Nouvelle-Écosse.

Le salut par le transport

« Le transport, c’est la base de tout », résume la directrice générale de Transcol, pour qui il ne saurait y avoir occupation ou développement du territoire sans lien routier adéquat. La flotte de Transcol est constituée d’une centaine d’unités motrices et d’un nombre similaires de remorques, fermées et plateformes. Pour eux aussi les détours sont une source d’agacement. « L’hiver commence et on peut dire que nos cauchemars vont commencer parce que la route ferme très souvent à cause des intempéries », explique Mme Girard. Pour une entreprise comme celle qu’elle gère et plusieurs autres, les liaisons routières incertaines représentent des coûts non négligeables. « On dépense des sommes considérables pour loger nos chauffeurs à l’hôtel parce qu’ils sont obligés d’arrêter ou payer des gens à coucher dans leur camion à ne rien faire en attendant que la route débloque. »

Les citoyens doivent également faire les frais d’une infrastructure de transport qui ne fonctionne pas à son plein potentiel. Les camions de Transcol vont aussi loin qu’ils le peuvent, prenant même le relais de grands transporteurs urbains qui ne s’aventurent pas aussi loin qu’eux mais il arrive un moment où la marchandise doit être transbordée vers des navires ou des aéronefs. « Ce sont des frais considérables pour les gens qui habitent dans ces secteurs-là», se désole Mme Girard.

Photo : Tourisme Côte-Nord / Mathieu Dupuis

Elle demeure néanmoins positive, notamment à la lumière des résultats obtenus à Ottawa. « Ça donne l’espoir de voir les choses avancer.  C’est intéressant que les gens poussent et que ça bouge un peu. Il est temps parce qu’il n’est quand même pas normal, de nos jours, d’avoir des gens isolés comme ça », dit-elle au sujet de nombreux Nord-Côtiers peu ou pas desservis par un réseau routier digne de ce nom.

Le maire de Sept-Îles croit de son côté que c’est tout l’avenir de la région qui est en jeu, de nombreux jeunes étant fort hésitants à y revenir après avoir quitté pour leurs études. Pareille dévitalisation est particulièrement désolante lorsqu’on prend le temps de constater le potentiel économique de la région, estime M. Porlier. « L’accès au territoire, c’est éventuellement des projets de toutes sortes, à commencer par le tourisme », dit-il, ajoutant l’exploration minière à l’équation.

« La délégation est allée à Ottawa et maintenant on est prêts à aller voir le nouveau gouvernement du Québec », conclut Réjean Porlier. Les ministres à Québec devront s’y faire : les marées de la Côte-Nord sont persistantes.

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